Une saupoudreuse n’est ni plus ni moins qu’un sucrier sauf qu’au XVIIIème siècle, le sucre est un produit de luxe et la saupoudreuse un objet de prestige dont la fabrication est confiée aux plus grandes manufactures telles que Rouen, Bordeaux, Marseille, Moustiers…
Je vous invite dans cet article à suivre une intervention de conservation-restauration sur cet objet aujourd’hui disparu de nos tables.
Contexte historique et description
Le sucre est, au XVIIIème s., omniprésent sur la table, tout au long du repas. En effet, on sucre volontiers les hors-d’œuvre tels que melons ou figues, mais aussi les légumes, les viandes rôties ou en sauce ainsi que les fruits au dessert.
La saupoudreuse est donc un élément incontournable des riches tables de ce siècle. Matériau de prédilection pour les arts de la table de cette époque, elle est très souvent en faïence stannifère, de forme balustre sur pied douche avec un couvercle en dôme perforé et généralement vissé au corps. Le pas de vis est alors habilement façonné dans la masse. Le modèle présenté pourtant ici, s’il répond à cette description, possède un couvercle scellé et une large ouverture sous le pied douche autrefois sans doute fermée d’un bouchon. A cette époque, le sucre est utilisé sous la forme d’une poudre grossière obtenue en écrasant ou râpant des pains coniques. Ainsi les trous sur le couvercle sont-ils gros. C’est en cela que les saupoudreuses à sucre diffèrent des saupoudreuses qui pouvaient servir, à partir de 1715, à poudrer les perruques.
Constat d’état
La saupoudreuse qui m’a été confiée est marquée par de nombreux éclats, plus ou moins gros, qui, aux yeux de mon client, défigurent cet objet désuet. De ces chocs de surface partent des fêles fermés, dessinant des lignes sombres soulignées par des petits sauts d’émail. On note également des usures autour des trous du couvercle et au niveau du pied.
Intervention de conservation-restauration
Ici, c’est la valeur décorative de l’objet que mon client souhaite mettre en avant. Aussi, lors du diagnostic, il opte pour la proposition de restauration illusionniste. Celle-ci vise à « faire disparaitre » toutes les altérations (sur la face visible) pour redonner l’illusion de l’objet original.
Il est donc convenu de procéder, après nettoyage, au comblement des éclats et à leur mise en teinte de fond.
Les décors interrompus par la restauration sont repris à l’identique.
On achève l’intervention pas la pose du vernis final et des conseils en conservation préventive (conditions d’humidité, de température et de lumière) pour la mise en exposition de cette saupoudreuse.
Il est important cependant de comprendre que ce n’était pas la seule façon d’intervenir sur cette œuvre. Une autre personne pourrait voir en cette saupoudreuse un document historique qui aurait traversé les siècles et finalement ne serait pas gêné par ses altérations, voire même percevrait comme une atteinte à son histoire que de vouloir les faire disparaitre. Il aurait sans doute fait le choix de s’arrêter à une intervention minimaliste de conservation curative (ici, nettoyage) suivie de conseils en conservation préventive (stockage dans un environnement stable, relativement sec, à température moyenne en raison des porosités mises à nu).
Ainsi, la prise en charge d’une œuvre qu’elle quelle soit nécessite toujours une vraie concertation entre propriétaire et restaurateur afin de proposer une intervention la plus adaptée possible, conciliant les attentes de l’un et les missions de conservation de l’autre.